Je propose d'appeler être vivant tout existant dont l'identité unique se définit par sa seule existence intemporelle, et non par ses actes temporels, dont l'état est imprévisible quels que soient les modes d'observation et, enfin, qui produit avec d'autres êtres vivants de l'être vivant. Un être humain est en ce sens un être vivant. Un animal, un végétal sont eux aussi des êtres vivants. Tout système composé d'un nombre quelconque de ces entités est, lui aussi, un être vivant. Un couple, bien sûr, mais aussi une famille, une cité, l'humanité entière. Je pose aussi que d'autres êtres vivants existent, dont nous avons plus ou moins conscience. Toute partie de l'espace-temps est par exemple un être vivant en soi.
Prenons un exemple : observons ce qu'il se passe à un instant t donné, en un point p de l'espace. Posons deux sujets v1 et v2 vivant le moment t au point p. Notons au passage que 3 êtres vivants élémentaires composent la scène : v1, v2 et le morceau d'espace-temps support physique de cette vie (p,t). Toute combinaison, à l'infini, de ces êtres vivants est à son tour un être vivant. Le couple (v1, v2) bien sûr, mais aussi le système composé de ce couple et de (p,t) que je noterai e0. Cet e0 forme à son tour avec v1 un être vivant e0v1, et ainsi de suite.
Du point de vue de v1, l'ensemble, imperceptible dans sa globalité, des perceptions ressenties en e0 constitue à son tour un être vivant p0v1, comprenant notamment l'image en v1 de v2. Il en est de même pour v2, qui crée p0v2, comprenant notamment l'image en v2 de v1.
A la lumière ce ces premières notations, apparait la mise en abyme caractéristique de la vie. Sur le plan identitaire, v1 élabore son identité comme être vivant produit de la rencontre de multiples êtres vivants, ce que nous simplifions parfois au travers de l'image qu'il perçoit que v2 perçoit de lui-même, v1, ou encore de l'image qu'il perçoit de l'image que v2 à son tour se fait de l'image que v1 se fait de v2, et ainsi de suite dans un tourbillon sans fin qui se perd dans ce qu'on a appelé approximativement l'inconscient, concept trop étroit pour un travail en profondeur sur notre psychisme. La mise en abyme opère aussi, peut-être surtout, sur le plan temporel, au travers de la rencontre des êtres vivants notés ci-dessus. Pour le traduire en termes simples, notons t1, t2 et t3 trois instants successifs, séparés de quelques minutes ou de dizaines d'années, et limitons-nous à ma propre perception de sujet autonome. Ma représentation de l'univers en t1 est un être vivant qui se manifeste différemment vu en t2 et vu en t3, ce qui est l'effet banal de la mémoire évolutive. Mais cet effet fonctionne aussi bien à rebours : ma représentation de l'univers en t3 n'a rien à voir entre ce qu'elle était en t1 et en t2. Et la mise en abyme se sent lorsque j'énonce qu'à cet instant, distinct de t1, t2 et t3, j'ai une image de la représentation qu'en t2 je me faisais de l'image qu'en t1 je me formais de t3. On voit qu'il n'y a aucune limite à ce dédale, ce qui éclaire l'insaisissabilité essentielle de tout être vivant.
Ces quelques éléments laissent apparaître que l'amour serait la part observable d'un intemporel travail de rapprochement entre une infinité d'êtres vivants plus ou moins conscientisables pour produire d'autres êtres vivants à l'infini. C'est en ce sens qu'aimer et travailler revient au même : c'est toujours élaborer de l'identité, plus généralement de l'être vivant, au contact entre soi et tout autre.
Votre article me fait penser au contenu du livre "Le monde a-t-il un sens ?" dans lequel Jean-Marie Pelt et Pierre Rabhi développent et illustrent le principe d'associativité.
Rédigé par : Bertrand Monfort | 02/02/2019 à 20:18