Le moins que l’on puisse dire est que la pression ne diminue pas.
Elle a même considérablement augmenté, ces derniers mois, avec la crise et rien ne nous permet de dire qu’elle va baisser dans les semaines à venir.
Ces circonstances placent le manager dans une apparente double contrainte : agir vite et retrouver de la marge de manœuvre.
Le point de vue d'Eric Albert, président de l'Ifas.
Comment, en ayant à décider rapidement, peut-il en même temps trouver de nouvelles solutions et prendre du recul par rapport à la situation ? La question n’est pas tant le rythme de la décision ou de l’action. En effet, ne confondons pas rapidité et précipitation. On peut agir vite en prenant le temps de réfléchir. La difficulté majeure est liée à l’émotion produite par la situation. Plus nous sommes sous pression, plus nous avons d’émotions, plus nos automatismes se renforcent.
Autrement dit, une forte charge émotionnelle tend à nous aiguiller sur nos tendances profondes plutôt qu’à nous ouvrir à de nouvelles solutions. Celui qui a tendance à éviter le risque réagira de façon réflexe pour se couvrir, celui qui a besoin de contrôler va reprendre les rênes en main de façon encore un peu plus serrée. La plupart du temps nous ne nous rendons pas compte que nous agissons en fonction de nos automatismes.
Nous construisons un discours rationnel qui justifie nos façons d’agir. Ce discours a comme fonction principale de nous convaincre nous-mêmes de la justesse de ce que nous faisons. Ce qui renforce encore nos automatismes. Ces automatismes ne sont pas dénués d’efficacité. On les a choisis parce qu’ils permettaient de répondre de façon appropriée à différentes situations. Leur limite est que l’automatisme enferme plutôt que d’ouvrir sur la spécificité de la situation.
Autrement dit, nous trouvons immédiatement des similitudes entre la situation actuelle et ce qui est déjà connu, mais nous ne voyons pas les différences. Or, c’est justement ces différences qui doivent nous conduire à nous ouvrir à de nouvelles solutions et de nouvelles manières d’agir.
Rappelons que l’une des valeurs ajoutées premières du manager est de trouver de la marge de manœuvre dans un contexte de contraintes. Il ne peut la trouver qu’en envisageant de faire autrement que ce qu’il a fait jusqu’à présent. La prise de recul est donc d’abord vis-à-vis de soi-même. Identifier son propre filtre émotionnel et comprendre en quoi il nous pousse dans nos « tendances naturelles » est essentiel pour pouvoir les dépasser et ne pas fonctionner en automatique.
Outre cette vigilance sur soi, c’est sur les autres que l’on peut compter pour mieux manager sous la pression. Avant de prendre ses décisions, il faut les encourager à trouver des arguments qui iraient à l’encontre de ce vers quoi l’on tend. La pression est l’occasion de tester et d’améliorer notre souplesse tel le roseau de La Fontaine
(cet article a été publié dans Les Echos du mardi 20 octobre 2009)